Nous vivons à l’âge d’or du branding. Les entreprises ont, plus que jamais, mille façons de se créer une place bien à elles sur le marché et de dialoguer directement avec leurs clients et leurs admirateurs. Mais l’histoire du branding n’est pas nouvelle, c’est une discipline (mais aussi une forme d’art) qui évolue depuis des siècles jusqu’à être devenue, de nos jours, essentielle à la réussite de toute entreprise digne de ce nom.
Les techniques de branding ont vu le jour dans les années 1500, bien que des changements majeurs ont eu lieu au cours des 19e et 20e siècles. Quelques décennies et des tonnes d’avancées technologiques plus tard, les marques ont appris à se démarquer et à retenir l’attention de leurs clients, transformant des consommateurs quelconques en de véritables ambassadeurs de marque. Comprendre l’évolution fascinante du branding est une étape essentielle pour développer l’identité de sa propre marque.
Dans cet article, nous allons explorer l’histoire du branding : ses débuts, son évolution au fil des années, et ce à quoi on peut s’attendre à l’avenir.
Années 1500 : les débuts du branding
En Vieux norrois, une langue scandinave, le mot « brandr » signifie « brûler ». À l’origine, une marque était un morceau de bois brûlant et a décrit plus tard une torche. Dans les années 1500, il est devenu courant de marquer le bétail au fer afin d’en montrer la propriété.
Diagramme des anciennes marques de bétails, via Texas State Historical Association
Dès le début, le branding a consisté à construire sa marque, au sens propre comme au sens figuré. Chaque marque était alors unique au propriétaire qui l’utilisait. Elles étaient simples, distinctes, et immédiatement identifiables (les éléments clés de toute bonne stratégie de branding). En ce sens, ces marques constituaient en quelque sorte les premières formes de logos.
Années 1750 à 1870 : la Révolution industrielle
Créée en 1884, Samson Ropes est la plus vieille marque déposée aux États-Unis (et elle est toujours en activité aujourd’hui. Via The Council of Industry
L’Europe et les États-Unis se transforment au cours des 18e et 19e siècles avec l’arrivée de nouveaux procédés de fabrication. Cette époque historique a connu l’avènement de la production de masse, résultat d’une efficacité et d’une technologie accrues dans le monde du travail. Plus de produits signifiaient plus de choix pour les consommateurs, et donc plus de concurrence qu’avant pour les entreprises. Il a donc bien fallu qu’elles trouvent un moyen de se démarquer les unes des autres.
C’est alors qu’est née la « marque de fabrique » (ou trademark, en anglais). Une marque de fabrique est constituée de mots, de phrases, de symboles, d’illustrations, de formes et de couleurs légalement déposés au sein d’une institution compétente (ou établis par l’usage) comme représentant une entreprise ou un produit en particulier.
Les marques déposées prennent de l’importance dans les années 1870, et le Congrès américain adopte sa première loi à ce sujet en 1881. C’est la première fois que les marques sont considérées comme propriété intellectuelle, donnant ainsi aux entreprises un moyen de revendiquer officiellement leurs produits et de lutter contre les faux ainsi que contre leurs concurrents.
Années 1870 à 1920 : l’âge d’or de l’invention
Au début du 20e siècle, la technologie commence à transformer la vie de tous les jours et on imagine déjà ce que l’avenir pourrait nous réserver. Le vol historique des frères Wright en 1903 devient un véritable symbole de créativité, d’innovation et d’imagination qui finira par définir cette époque tout entière.
Publicité Coca-Cola des années 1920. Via Coca-Cola
Le début du siècle voit de nombreuses entreprises se créer et devenir par la suite leader de leur secteur : Coca-Cola (1886), Colgate (1873), Ford Motor Company (1903), Chanel (1909) et LEGO (1932) ont toutes été pionnières dans leur domaine.
Déjà au moment de leur création, ces marques sont en avance sur leur temps. Ford Motor Company propose des véhicules à essence fabriqués aux États-Unis avant tout le monde, et Chanel propose des tailleurs pour femmes à une époque où ce type de vêtements est traditionnellement réservé aux hommes. Grâce à leur inventivité et à leur avant-gardisme, ces marques se sont immédiatement positionnées comme leader de l’industrie, dès leur lancement.
À l’époque, les marques se font connaître dans les journaux et les magazines. L’impression offre alors un espace où elles peuvent utiliser des mots, des logos et des illustrations pour se différencier les unes des autres. À cette époque les publicités sont souvent très informatives et décrivent précisément le fonctionnement (et les fonctionnalités) des produits.
Années 1920 à 1950 : les marques en direct
Au cours de ces décennies, la production de masse est déjà bien efficace et les entreprises ont déjà positionné leurs produits sur le marché. L’étape suivante était donc tout naturellement de parler de ces produits-là dans un contexte donné qui attirerait l’attention des clients potentiels.
Au début du 20e siècle, la plupart des stations de radio sont utilisées par les fabricants et les vendeurs d’équipements radio qui s’en servent pour faire la promotion de leurs propres entreprises. Mais, dans les années 1920, la radio devient très populaire et les propriétaires de stations se tournent alors vers la publicité pour générer des revenus. Le branding prend alors vie au travers de jingles, de slogans et de messages radiophoniques.
La première publicité radiophonique payante est diffusée en 1922 sur WEAF à New York pour faire la promotion d’un nouveau complexe d’appartements. En 1930, près de 90 % des stations de radio aux États-Unis diffusent des publicités. Les fabricants sponsorisent non seulement des publicités, mais aussi des programmes entiers, ce qui donne naissance à un tout nouveau niveau de branding. Les marques deviennent alors audibles, mémorables et accessibles.
La télévision arrive ensuite : le 1er juillet 1941, Bulova Watches diffuse la première publicité télévisée avant la diffusion d’un match de baseball à New York. Elle ne fait que 10 secondes de long et n’est vue que par quelques milliers de personnes seulement. Tout comme pour la radio, c’est la montée en popularité de la télé qui donne rapidement aux entreprises l’idée de diffuser des publicités et de sponsoriser des émissions. Ainsi, les marques s’immiscent dans les foyers en images, en mots, en sons et en musique, les rapprochant plus que jamais des consommateurs.
Années 1950 à 1960 : la naissance du branding moderne
L’époque qui a suivi la Seconde Guerre mondiale a été une autre période de transformation, tant du point de vue de la fabrication des produits que de celui des habitudes de consommation. Aux États-Unis, la démocratisation de l’automobile, l’expansion de la classe moyenne et des villes, et l’arrivée de la télévision sont autant d’opportunités pour les entreprises de rivaliser les unes avec les autres afin de gagner en popularité (et donc en clientèle). On voit alors apparaître les panneaux publicitaires géants, les publicités dans le métro, une architecture audacieuse, les emballages produits, et de plus en plus de publicités télévisées (rendues encore plus efficaces avec l’arrivée de la couleur en 1953).
Publicité pour McDonald’s, imprimée sur une carte postale dans les années 50, montrant une architecture audacieuse et une palette de couleurs percutante. Via McDonald’s
À cette époque, la multiplication des concurrents pousse les entreprises à développer leur « image de marque » (branding, en anglais), ce qui fait largement évoluer le marketing tel que nous le connaissons aujourd’hui, car très vite, les consommateurs ont le choix entre d’innombrables produits qui se ressemblent tous et fonctionnent tous de la même manière. Construire son image de marque et donc son identité devient alors essentiel pour se démarquer de ses concurrents.
Les publicités jouent alors de plus en plus sur les émotions, et c’est là le véritable changement de l’époque en ce qui concerne les techniques de branding. La concurrence grandissante pousse les spécialistes du marketing à trouver de nouvelles façons de se différencier.
Après avoir étudié les consommateurs cibles, les spécialistes du marketing développent une compréhension plus approfondie de leur public, ce qui leur permet de faire appel à leurs désirs et à leurs besoins. Ils créent un lien émotionnel avec leur audience cible en sélectionnant avec soin les images et les messages qui lui parleront. Le but ici étant de donner le sentiment aux consommateurs qu’ils détiennent le bon produit pour eux (et donc que ceux l’achètent). Ainsi, le branding passe d’une technique d’information neutre à une technique de communication beaucoup plus personnelle.
Années 1960 à 1990 : le développement du branding
Pour rester pertinentes au fil des décennies et sortir du lot dans une industrie en constante évolution, les marques ont dû s’adapter aux goûts et aux besoins changeants des consommateurs, jusqu’à parfois même se forger une nouvelle identité.
L’évolution du logo Walmart, via Walmart
Regardez comment le logo de Walmart s’est allégé au fil du temps : il est devenu plus accessible et plus « frais ». Et l’entreprise en a également profité pour améliorer au passage l’uniforme de ses employés. Cette évolution a été une étape naturelle et indispensable dans l’évolution de l’identité de la marque.
Repenser son slogan peut également jouer un rôle dans la refonte de l’identité d’une marque. Le rythme rapide du branding moderne force les entreprises à garder une longueur d’avance sur leurs concurrents. Parfois, un slogan percutant et accrocheur suffit à faire toute la différence, même pour les marques déjà bien établies.
Prenons l’exemple de L’Oréal et de son slogan « Parce que vous le valez bien » (créé en 1973), celui de McDonald’s « It’s a good time for the great taste of McDonald’s » (1984), ou encore celui de Folgers « The best part of waking up is Folgers in your cup! » (1984). Ces slogans ont permis à toutes ces marques déjà bien connues d’occuper une place encore plus prominente dans l’esprit de la société.
L’emblématique campagne d’Apple, « Think Different », a transformé l’entreprise tout entière grâce à son slogan. Via Apple
Cette époque marque également le début de la transformation des petits commerces. Dans les années 1990, les magasins commencent à réaliser que leur rôle ne se limite pas à présenter une multitude de produits sur des étagères. Ils se rendent compte qu’ils peuvent eux aussi jouer sur leur image de marque et cela incite ainsi les entreprises à prendre soin de leur branding.
20 ans de partenariat de marque chez Target. Via Target
Target en est un exemple parfait. Depuis plus de 20 ans, Target s’associe à des designers, des artistes, des célébrités et des influenceurs pour remplir ses rayons de produits uniques que les acheteurs ne peuvent trouver nulle part ailleurs. Avec plus de produits de meilleure qualité, l’entreprise a créé une expérience plus attrayante pour ses clients et, en exigeant un meilleur branding, elle a renforcé sa propre réputation tout en poussant les autres à créer et à innover.
Années 2000 à nos jours : le point
Maintenant que nous avons passé en revue l’évolution du branding, voyons voir où nous en sommes aujourd’hui, et vers quoi nous nous dirigeons.
Il est important de noter que, de nos jours, les consommateurs ont beaucoup plus de choix qu’avant et qu’en tant qu’entreprise il est impossible d’échapper à la concurrence. Comme il est parfois plus difficile de se démarquer, il est donc encore plus important de trouver des moyens de se démarquer des autres.
Design de marque professionnel réalisé par RedLogo via 99designs par Vista
Depuis le début de l’ère numérique à la fin des années 90, les techniques de branding, de marketing et de publicité ont grandement évolué. Si les publicités télévisées avaient déjà pris le dessus sur les publicités imprimées, les publicités diffusées sur les médias sociaux surpassent tous les autres médias. Les annonceurs ont davantage de pouvoir (cibler un groupe démographique en particulier sur Facebook, par exemple) et se basent de plus en plus leur stratégie sur les données. Aussi, grâce aux applications, aux URL personnalisées et à une multitude de hashtags, les entreprises ne manquent pas de moyens pour augmenter considérablement la notoriété de leur marque.
Il n’y a qu’à voir comment Coca-Cola a réussi sa campagne #ShareACoke : grâce à une simple modification de son packaging, l’entreprise s’est rapprochée de ses clients tout en les encourageant à générer du contenu, c’est-à-dire à utiliser le hashtag en question plus de 500 000 fois. Cela a aidé la marque à rester connectée à son public de manière durable et déterminante.
La campagne #ShareaCoke via Coca-Cola
Bien que les nouvelles technologies aident grandement les marques à se démarquer les unes des autres, les entreprises sont également confrontées à une concurrence encore plus importante qu’avant. Aujourd’hui, la réputation d’une marque n’est pas seulement basée sur le bouche-à-oreille : les « avis clients » sont roi. Que ce soit sur Amazon, Yelp, Google ou Facebook, les avis laissés par les clients ont une énorme influence sur la perception d’une marque. Les consommateurs prennent leurs décisions en fonction de ces notes et commentaires et, plus que jamais, la réputation des entreprises est cruciale à leur réussite.
Pour sortir du lot tout en jouant sur les sentiments des consommateurs, les marques ont tout intérêt à adopter une stratégie basée sur leur mission. Par exemple, la mission de Starbucks est « Inspirer et nourrir l’esprit humain — une personne, une tasse et un quartier à la fois. » C’est un objectif ambitieux pour ce qui n’est finalement qu’une chaîne de restauration rapide. Mais Starbucks a bien ficelé sa stratégie et ça se voit. Avec son application mobile attrayante, son programme de fidélisation, son expérience de vente bien pensée, et ses couleurs et son logo mémorables, Starbucks a su fidéliser ses clients en les ralliant à sa cause.
Photo via Warby Parker
L’application Starbucks
De même, Warby Parker s’est positionnée différemment de ses concurrents avec une mission unique et significative : pour toute paire de lunettes achetée, une paire est distribuée à une personne dans le besoin. En seulement 10 ans, la marque était évaluée à 1,7 milliard de dollars. En prenant ses responsabilités (sociales) et en élaborant une excellente image de marque, les lunettes Warby Parker sont soudainement devenues beaucoup plus cool que les Ray-Ban…
Les marques capitalisent également sur l’expérience personnelle dans leurs magasins physiques. Imaginez combien de marques importantes de vêtements de sport et de sport pour femmes existent actuellement (Lululemon, Athleta, Fabletics, Under Armour, Adidas by Stella McCartney). Ces marques doivent faire preuve de créativité et beaucoup d’entre elles se démarquent en impliquant leur communauté. Par exemple, Lululemon offre des cours de yoga gratuits dans ses magasins, mais aussi en ligne.
À vous de marquer l’histoire avec votre branding
Alors que l’innovation et la technologie guideront toujours l’avenir des marques, la plupart de ces premiers principes de branding resteront toujours aussi pertinents. Optez pour des concepts simples et durables en vous appuyant sur la technologie et le lien émotionnel, et faites évoluer votre marque en fonction des consommateurs. Peu importe votre secteur d’activité ou votre produit, ces principes de branding s’appliquent à toute entreprise digne de ce nom.
Auteure : Aviva M. Cantor